Pourquoi le tiers payant généralisé fait-il autant de bruit ?
Depuis que la ministre de la santé Marisol Touraine a évoqué la généralisation du tiers payant à partir de 2017, le sujet n’a pas cessé de faire parler de lui. Tantôt ce sont les personnes en faveur du dispositif qui en parlent tantôt ce sont les médecins généralistes qui y sont totalement contre qui manifestent leur hostilité envers le dispositif. Pourquoi fait-il autant de bruit et en quoi cela consiste au juste ?
Le principe du tiers payant généralisé
Le tiers payant généralisé consiste à fournir la gratuité des soins médicaux aux personnes ayant une carte vitale ou une carte de tiers payant délivré par leur organisme d’assurance santé complémentaire. Autrement dit, toutes les personnes qui viendront au cabinet pour faire une consultation avec l’une ou l’autre de ces cartes n’auront rien à payer puisque ce sera à l’assurance maladie de rembourser le médecin par la suite.
Un principe déjà adopté par les pharmaciens et certains opticiens
Le tiers payant généralisé a depuis longtemps été adopté par les pharmaciens qui délivrent alors des médicaments sans toucher un centime de la part du client. Certains opticiens appliquent également le système pour se démarquer de la concurrence. Si le principe fonctionne auprès de ces deux professionnels de la santé, pourquoi les médecins généralistes boycottent-ils le dispositif ?
Les médecins généralistes craignent d’être lésés financièrement
Pour les médecins généralistes, l’adoption du tiers payant généralisé signifie pour eux :
- Une surcharge de travail :
Si la généralisation du tiers payant est maintenue (ce qui est le cas jusqu’ici), les médecins craignent de crouler sous la paperasse administrative puisqu’il leur faut traiter chaque dossier de chaque patient personnellement en fonction des soins fournis, envoyer le dossier à l’assurance maladie avec toutes les autres preuves et attendre que l’assurance maladie traite chaque dossier pour qu’elle puisse débloquer les sous. Pour les médecins, cela signifie qu’il leur faudra travailler plus encore alors qu’ils travaillent déjà entre 56 à 70 heures par semaine. D’ailleurs, environ 45 % d’entre eux souffrent d’épuisement professionnel. Selon les médecins, la seule solution qui leur reste c’est de recruter un secrétariat spécifique pour prendre en charge le côté administratif, mais les médecins ne voient pas comment ils pourraient payer une aide alors qu’ils ne toucheront rien dans les temps.
- Des remboursements tardifs :
D’après le long processus qu’un dossier devra parcourir avant le paiement, les médecins s’attendent à un remboursement tardif de leurs honoraires surtout que l’assurance maladie n’aura pas affaire à un seul médecin et à un seul dossier à traiter, mais à une centaine de médecins, à des milliers de dossiers et à environ 400 assureurs différents.
- Une menace pour leur indépendance :
Si la généralisation du tiers payant est adoptée, les médecins ne se feront plus payer par les patients, mais par l’Assurance maladie. Les professionnels de la santé y voient alors une entrave à leur indépendance puisque leur paie dépendra dorénavant de l’assurance maladie. Pour eux, avec ce système, le statut de « profession libérale » n’aura plus lieu d’être puisque les médecins généralistes deviendront en quelque sorte des fonctionnaires ou comme ils le disent « des otages des caisses et des mutuelles ».
- Une déresponsabilisation du patient :
Puisque la généralisation du tiers payant prévoit la transformation de la carte Vitale en carte de paiement, les médecins craignent une déresponsabilisation du patient et une banalisation de l’acte médical. Les patients verront donc l’acte médical comme un dû et cela peut favoriser une surconsommation.
- Un manque de respect :
Pour certains médecins, le dispositif équivaut à un manque de respect à leur égard, car avec des soins gratuits, les patients considéreront que les médecins sont à leur service (ce qui est vrai d’un côté), mais à la différence qu’ils n’auront plus aucun respect pour ces professionnels.
Bref, si le tiers payant généralisé fait autant parler de lui, c’est que selon les médecins généralistes, cela va poser plus d’anarchie que d’amélioration même si d’un côté, le dispositif permet l’accès aux soins aux patients.